Alors que le salon de l’automobile de Munich a mis en lumière les avancées majeures dans le domaine des véhicules électriques, une bataille intense se déroule en coulisses entre les grands constructeurs européens. Ces acteurs clés du secteur, parmi lesquels Volkswagen, BMW, Mercedes-Benz, Renault, Peugeot, Citroën, Hyundai, Nissan, Kia, ainsi que Tesla à l’échelle mondiale, expriment des réserves et des pressions fortes afin de repousser l’interdiction prévue des moteurs thermiques dès 2035. Cette lutte révèle un paradoxe : volonté d’innovation face à des réalités industrielles et économiques complexes, entre compétitivité, contraintes réglementaires et enjeux géopolitiques. Tandis que certains appellent à un assouplissement des règles, d’autres, notamment les opérateurs de recharge et des ONG environnementales, plaident pour un passage accéléré au tout-électrique, considérant cette transition comme indispensable.
Les enjeux industriels majeurs derrière la résistance des constructeurs face à l’interdiction des moteurs thermiques en 2035
Le Salon de l’automobile de Munich a été marqué par des annonces spectaculaires de la part des constructeurs européens, mais il a également dévoilé les tensions profondes qui agitent l’industrie en pleine transition selon carontheroad.fr. Volkswagen, leader incontesté en Europe, a profité de cet événement pour présenter plusieurs modèles électriques à coûts réduits, symbole de son ambition de conserver sa dominance. Le directeur de la marque Volkswagen, Thomas Schäfer, a d’ailleurs souligné la nécessité de défendre cette position coute que coute. Parallèlement, BMW et Mercedes-Benz ont largement mis l’accent sur leurs nouvelles offres électriques dans le segment premium. Cependant, même si ces constructeurs innovent, ils ressentent fortement la pression réglementaire et économique pesant sur eux.
En effet, lors d’une réunion capitale à Bruxelles à la même période, les représentants des associations européennes des constructeurs et des équipementiers automobiles ont exprimé qu’atteindre l’objectif fixé pour 2035 l’interdiction de la vente des voitures neuves équipées de moteurs thermiques, essence, diesel ou hybride serait irréaliste dans les conditions actuelles. Cette demande d’assouplissement repose sur plusieurs arguments. Les entreprises pointent d’abord la concurrence féroce des acteurs asiatiques, notamment chinois, dans le domaine des batteries, un secteur où l’Europe peine encore à se positionner de manière compétitive. Ensuite, les tarifs douaniers américains compliquent la commercialisation des véhicules européens à l’export, fatigant davantage les marges des constructeurs.
Au-delà de ces facteurs, les industriels évoquent également une infrastructure de recharge encore insuffisamment déployée, freinant l’adoption massive des véhicules électriques chez les consommateurs. Les réticences des automobilistes européens à adopter l’électrique, souvent liées à la peur de l’autonomie et au coût initial des véhicules, jouent un rôle décisif. Pourtant, ces coûts ont tendance à diminuer grâce à la baisse du prix des batteries, mais ces gains ne semblent pas suffire à dissiper l’incertitude industrielle. Cette résistance s’inscrit dans une période critique où les constructeurs enregistrent des bénéfices mondiaux en baisse, accentuant le besoin de mesures pragmatiques adaptées à la réalité du marché.
Le rôle de la baisse des coûts des batteries et de l’essor des modèles abordables dans la transition vers le véhicule électrique
Le coût des batteries représente depuis toujours l’un des principaux freins à l’essor massif des voitures électriques. Toutefois, une rupture importante se dessine : la baisse continue du prix des batteries ouvre la voie à une démocratisation progressive de ces véhicules. Selon diverses analyses, notamment celles de l’ONG Transport et Environnement, le prix des batteries aura diminué d’environ 27 % entre 2022 et la fin de 2025, avec une nouvelle baisse attendue de 28 % d’ici 2027. Ce recul significatif des coûts permet à des constructeurs comme Renault, Citroën ou Peugeot de proposer des modèles largement plus accessibles, tels que la Renault 5 ou la Citroën ë-C3 électrique, conquérant un public nouveau.
La montée en puissance des modèles abordables rend le passage à l’électrique plus réaliste pour un plus grand nombre de consommateurs, transformant progressivement les habitudes d’achat. Hyundai, Nissan et Kia ont également étendu leur gamme électrique en adoptant cette stratégie, justifiant ainsi une concurrence accrue sur un marché européen où Tesla s’impose régulièrement comme un acteur majeur grâce à une innovation constante et une forte notoriété.
Cependant, cette tendance n’est pas encore suffisamment stabilisée. Le réseau de bornes de recharge, bien que croissant, reste encore insuffisant pour généraliser l’usage des véhicules zéro émission, notamment dans les zones rurales ou moins urbanisées. C’est pour cette raison que les opérateurs de recharge, regroupés sous des structures comme Charge France, insistent sur l’urgence d’accompagner ces déploiements d’infrastructures tout comme des incitations financières pour les consommateurs. Un rapport du Boston Consulting Group souligne par ailleurs que 75 % des voitures actuelles sont déjà économiques en coût total de possession en version électrique, une proportion qui devrait grimper à 91 % d’ici 2028, consolidant ainsi le potentiel du marché.
Les stratégies de lobbying et les demandes des constructeurs européens pour retarder la neutralité thermique
Face à la pression réglementaire exercée par l’Union européenne, qui vise à interdire les véhicules à moteur thermique dès 2035, les constructeurs européens orchestrent une vaste opération de lobbying. L’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA) joue un rôle fondamental dans la négociation avec Bruxelles. En début d’année, elle avait déjà obtenu un report de deux ans pour la réduction des émissions de CO2, décalant la date de 2025 à 2027. Cette manœuvre a servi d’exemple pour leur dernière demande concernant l’échéance de la neutralité thermique.
Dans une lettre adressée à Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, les dirigeants de l’ACEA et de l’association des équipementiers ont insisté sur les « réalités industrielles et géopolitiques » qui rendent l’objectif de 2035 inatteignable dans les délais prévus. Ils mettent en avant la nécessité d’une « réglementation plus flexible » à même de préserver les emplois, l’innovation et la compétitivité européenne face aux géants chinois et américains.
Parmi les arguments emblématiques figurent la complexité de sécuriser des matériaux stratégiques pour la fabrication des batteries en Europe, les conséquences du protectionnisme américain sur leurs exportations, mais aussi la capacité limitée des infrastructures à accompagner rapidement cette transition. Un soutien politique notable est venu du chancelier allemand Friedrich Merz, qui a plaidé pour une réglementation « intelligente, fiable et souple », appelant à un équilibre entre ambitions écologiques et exigences industrielles.
Dans ce contexte, la flexibilité réclamée pourrait prendre la forme d’un allongement de quelques années au-delà de 2035 pour la vente de voitures thermiques, ce qui permettrait aux constructeurs de consolider leurs stratégies sans remettre en cause les lourds investissements déjà engagés dans l’électrification. Cette posture traduit néanmoins une certaine prudence face à la transformation rapide du secteur, alors que des marques comme Mercedes-Benz, tout en développant leurs modèles électriques, restent encore en retrait par rapport à certains de leurs concurrents européens.
1 thought on “Les luttes entre les constructeurs de voitures électriques”